Chevreuse
Patrick ModianoChevreuse fait écho à Remise de peine, paru en 1991. Le narrateur, très proche de Modiano enfant, se trouvait avec son jeune frère dans une maison de Jouy-en-Josas. Leurs parents, occupés ailleurs, avaient confié les deux garçons à quelques femmes vivant là, dans ce qui ressemblait encore à un village. Des gens peu recommandables allaient et venaient, l’enfant essayait de comprendre ce qui arrivait. Un certain Guy ou Roger-Vincent le promenait dans une belle décapotable américaine, et offrait à son frère une authentique auto-tamponneuse. Le père du narrateur venait parfois, toujours mystérieux, évasif, insaisissable. On trouve de ce séjour dans la vallée de Chevreuse un condensé dans Un pedigree (2005). Les noms défilent, dont celui de la propriétaire d’un hôtel rue du Vieux-Colombier, Rose-Marie Krawell. Elle jouera un rôle significatif dans Chevreuse bien que le héros ne la rencontre qu’à la fin, à Nice. L’intrigue de Chevreuse se déroule pour l’essentiel vers 1966 et met en scène Jean Bosmans, déjà double de Modiano dans L’horizon (2010). Le roman renvoie à des lieux, à des situations et des personnages dont nous sommes familiers. Mais le retour ou la répétition ne se produit jamais à l’identique. La variation est toujours là, et le plaisir et le trouble qu’elle suscite.